Introduction
La brucellose est une maladie infectieuse, contagieuse et largement répandue, causée par des bactéries du genre Brucella. Bien qu'elle puisse affecter de nombreuses espèces animales, y compris les ovins, les caprins, les chameaux, les chevaux et les chiens, la brucellose bovine est particulièrement préoccupante. Elle est souvent désignée sous le nom de maladie de Bang ou avortement contagieux chez les bovins.
Classée comme une zoonose majeure, la brucellose constitue une menace permanente pour la santé publique. Chez les animaux, elle est une source de sérieuses pertes économiques. Les impacts économiques sont particulièrement ressentis dans les pays où l'élevage intensif est pratiqué, mais aussi dans les systèmes d'élevage traditionnels où la maladie est endémique. Lorsque le taux d'infection atteint environ 30 % des femelles reproductrices, la brucellose bovine peut entraîner des pertes économiques s'élevant à environ 5,8 % du revenu brut par animal élevé. Elle est également associée à une réduction de la fécondité des troupeaux de 20 % et à une diminution de la production de lait de 15 % chez les vaches infectées.
1. Étiologie
La brucellose est due à des coccobacilles à Gram négatif du genre Brucella. Plusieurs espèces bactériennes sont incriminées dans l'infection naturelle. Brucella abortus est l'espèce classiquement associée aux bovins.
La maladie est hautement contagieuse. La transmission inter-animale se produit principalement par les muqueuses après contact avec des matières infectées, par inhalation, et in utero. Les brucelles sont excrétées notamment lors des mises- bas ou des avortements.
Parmi les facteurs de risque d'infection chez les animaux, on compte la non-vaccination, l'introduction de nouveaux animaux dans les troupeaux sans mise en quarantaine ni dépistage ou vaccination, le partage de bœufs à des fins de reproduction, et le mélange de différentes espèces (co-pâturage) ou de différents troupeaux.
2. Pathogénie (Transmission Zoonotique)
La brucellose est une zoonose, ce qui signifie qu'elle se transmet de l'animal à l'homme. Les populations vulnérables comprennent les éleveurs, les transformateurs de viande, les consommateurs, les propriétaires de chiens et les vétérinaires.
Les voies de transmission à l'homme sont multiples et étroitement liées aux pratiques d'élevage et alimentaires :
- Consommation de produits animaux infectés : L'infection est souvent contractée par la consommation de lait non pasteurisé (lait cru, lait caillé non pasteurisé, fromage frais) ou de viande insuffisamment cuite.
- Contact direct : Le contact cutané, notamment avec des lésions, ou le contact avec des fœtus avortés, des placentas ou des liquides vaginaux ou amniotiques d'animaux infectés est un facteur de risque majeur. Par exemple, l'assistance aux vaches pendant l'accouchement ou la traite sans lavage des mains ou utilisation de gants est un comportement à haut risque.
- Inhalation : La brucellose peut être contractée par des particules contaminées en suspension dans l'air, notamment dans les fermes, lors de la manipulation des bouses ou dans les abattoirs.

3. Signes Cliniques
Chez les animaux, la maladie peut souvent passer inaperçue. Les principales manifestations sont des troubles de la reproduction :
• Avortement :C'est la caractéristique principale chez les femelles, responsable de pertes économiques importantes.
• Stérilité et diminution de la production de lait.
• Rétention du placenta.
• Orchite et épididymite chez les males
• Hygromas et Bursite : La présence d'hygromas (inflammation des bourses séreuses du pied) est considérée comme un excellent indicateur clinique de la présence de Brucella spp. dans un troupeau.
4. Diagnostic
Le diagnostic repose sur la confirmation de la suspicion clinique par la mise en évidence d'anticorps (Ac) dans le sang ou par l'isolement de Brucella spp. Les tests sérologiques sont les méthodes les plus courantes:
• Test de Coloration au Rose Bengale (TCRB) : C'est le test le plus accessible et simple,souvent utilisé pour le dépistage. Cependant, il peut présenter un taux élevé
de faux positifs chez les petits ruminants.
• Test de Fixation du Complément (TFC) : Souvent utilisé en série avec le Rose Bengale pour un diagnostic plus précis.
• Test ELISA (Enzyme-Linked Immunosorbent Assay) indirect/compétitif : Utilisé pour le dépistage.
Il est important de noter que l'utilisation de tests sérologiques peut être compliquée par des réactions croisées dues à la vaccination (souche B-19) ou à d'autres bactéries (comme Yersinia enterocolitica O:9). Le diagnostic bactériologique (isolement et typage des souches) est essentiel pour comprendre les voies de transmission.
5. Stratégies de Controle
Le traitement de la maladie chez les animaux n'est autorisé que dans quelques pays en Afrique. La stratégie de contrôle vise plutôt l'élimination des animaux infectés.
Prévention
La lutte contre la brucellose nécessite une approche concertée impliquant les secteurs de la santé animale et de la santé humaine (« One Health »).
A. Prévention Animale
Les mesures visent à contrôler la circulation de la bactérie dans les troupeaux :
- Vaccination :La vaccination des animaux sensibles, comme l'immunisation des bovins avec une souche atténuée de B. abortus (souche B-19), est l'une des principales options pour le contrôle.
- Dépistage et Abattage :L'identification et l'élimination adéquate des animaux infectés sont indispensables pour l'éradication. Il est recommandé de mettre en place des mesures d'encouragement, telles que des indemnisations, pour faciliter l'abattage systématique.
- Biosécurité et Gestion des Troupeaux :
- Mise en quarantaine ettests des nouveaux animaux avant leur introduction.
- Ne pas mélanger lestroupeaux ou les espèces différentes (bovins/petits ruminants).
- Élimination appropriéedes avortons et des carcasses (incinération ou enfouissement en profondeur).
- Séparer les espaces devie des animaux de ceux des humains.

B. Prévention Humaine et Santé Publique
La prévention chez l'homme repose sur la réduction de l'exposition et l'éducation :
Sécurité sanitaire des aliments :
o Faire bouillir ou pasteuriser le lait et les produits laitiers crus.
o Cuire la viande à point.
Hygiène et Pratiques de Travail :
o Porter des vêtements de protection (gants) lors de l’assistance aux animaux (mise bas ou avortement) ou lors de la manipulation des carcasses.
o Se laver les mains avec du savon après la traite ou tout contact avec des animaux potentiellement infectés.
Sensibilisation :
o Le manque de connaissances est un obstacle majeur à la prévention. Des campagnes de sensibilisation doivent être menées pour éduquer la population sur les facteurs de risque, notamment le danger de consommer des produits laitiers non pasteurisés et la manipulation des produits d'avortement.
Références :
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