LA PESTE DES PETITS RUMINANTS: CONTROLE ET ERADICATION

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La Peste des Petits Ruminants (PPR) est une maladie virale hautement contagieuse et souvent mortelle qui affecte gravement les ovins et les caprins, représentant un obstacle majeur à l'amélioration de la productivité dans les pays où elle sévit. Largement répandue en Afrique, au Proche et Moyen-Orient, et en Asie, la PPR a d'importantes répercussions socio-économiques, notamment pour les communautés rurales vulnérables qui dépendent des petits ruminants pour leur subsistance et leur sécurité alimentaire.

I. Étiologie

La PPR est causée par le virus de la Peste des Petits Ruminants (PPRV), classé dans l'ordre des Mononegavirales, la famille des Paramyxoviridae, la sous-famille des Paramyxovirinae et le genre Morbillivirus. Ce genre inclut également les virus de la peste bovine (RPV), de la rougeole et de la maladie de Carré.

Le PPRV est un virus à ARN enveloppé, non segmenté et à brin négatif. Il est épithéliotrope et très lymphotrope. Sa membrane est hérissée de deux types de spicules glycoprotéiques : la protéine H, qui sert à la fixation sur la cellule cible, et la protéine F, qui porte la propriété fusionnante.

Bien que le PPRV soit étroitement apparenté au RPV sur le plan antigénique, l'analyse des protéines ou de leurs gènes démontre qu'il s'agit de deux virus distincts. Le test de séroneutralisation peut permettre de distinguer nettement les deux virus. Il existe quatre lignées différentes de PPRV, basées sur le séquençage du gène de la nucléoprotéine (NP). Historiquement, les isolats africains étaient les lignées I, II et III, tandis que les isolats du Moyen-Orient et d'Asie étaient de lignée IV, mais cette distribution a évolué de manière dynamique.

II. Pathogénie et Symptômes Cliniques

La PPR est une maladie très contagieuse qui se transmet principalement par contact direct via les aérosols émis par les animaux malades ou en incubation, ainsi que par les sécrétions corporelles (salive, urine, etc.) ou indirectement par l'eau et les aliments contaminés. La maladie affecte principalement les ovins et les caprins, ces derniers étant généralement les plus sensibles. D'autres animaux comme les bovins, les chameaux et certains ruminants sauvages sont sensibles à l'infection.

La maladie se manifeste généralement sous forme aiguë et est caractérisée par :

• Un état typhique (forte fièvre ou hyperthermie, atteignant 40 à 42°C).

• Un catarrhe oculo-nasal (écoulement) qui devient muco-purulent, pouvant occlure les narines.

• Une stomatite nécrosante (lésions érosives de la muqueuse buccale).

• Une diarrhée profuse, souvent suivie d'une déshydratation sévère.

• Une bronchopneumonie en phase terminale, souvent suite à des complications bactériennes secondaires, notamment dues à Pasteurella.

Le taux de morbidité peut atteindre 90 % et le taux de mortalité peut varier de 30 % à 70 % des animaux infectés. La maladie a un impact économique annuel estimé entre 1,45 et 2,1 milliards de dollars américains.

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III. Contrôle et Diagnostic

A. Diagnostic

Le diagnostic de la PPR commence souvent par des signes cliniques, mais une confirmation au laboratoire est toujours recommandée. Les échantillons doivent être prélevés sur des animaux malades au début de la virémie (phase d'hyperthermie) ou sur des carcasses fraîches (écouvillons nasaux, sanguins, tissus comme les ganglions lymphatiques ou la rate) et doivent être transportés en respectant strictement la chaîne du froid.

Techniques conventionnelles : L'isolement du virus sur culture cellulaire (cellules Vero, cellules rénales de mouton, etc.) est l'idéal pour confirmer la maladie.
Les techniques de détection d'antigènes, comme l'Immunocapture ELISA (ICE), sont sensibles et spécifiques, de même que l'immunofluorescence directe.

Techniques moléculaires : Le cELISA compétitif (anti-H ou anti-N) est couramment utilisé pour détecter les anticorps anti-PPRV. Le RT-PCR (Reverse Transcriptase PCR) conventionnel et le Real-Time RT-PCR sont disponibles pour la détection du génome viral.

B. Facteurs de Risque et Mesures de Contrôle

L'épidémiologie de la PPR est fortement liée aux pratiques d'élevage et aux facteurs environnementaux. Les analyses montrent que le sexe de l'animal (les femelles ayant un risque plus élevé car elles ont un cycle de vie plus long dans l'élevage) et le système d'élevage (les systèmes agropastoraux étant plus exposés que les systèmes pastoraux) sont des facteurs de risque significatifs. La proximité entre les fermes (distance euclidienne) augmente également le risque de transmission.

Les mesures de contrôle comprennent:

1. La restriction des mouvements d'animaux internes et transfrontaliers, qui constituent un défi majeur dans l'éradication.

2. L'application de mesures de biosécurité et de quarantaine.

3. Dans les zones non endémiques, une réponse immédiate aux urgences (abattage du troupeau infecté, désinfection) est recommandée pour stopper la diffusion.

IV. Vaccination

Un vaccin homologue vivant de la PPR reposait sur l'utilisation du vaccin hétérologue anti-peste bovine (RPV), en raison de l'étroite relation antigénique entre PPRV et RPV. Cependant, l'utilisation de ce vaccin dans le cadre de la lutte contre la PPR entravait les efforts de diagnostic différentiel et a été abandonnée après le succès de l'éradication de la peste bovine.

Un vaccin homologue vivant atténué a été développé, basé sur la souche nigériane PPRV Nig.75/1, et est considéré comme très efficace. Ce vaccin confère une immunité protectrice d'au moins 3 ans après l'administration d'une dose unique par voie sous-cutanée.

A. Protocoles et Défis de la Vaccination

La Stratégie mondiale de contrôle repose sur la vaccination de masse. L'objectif classique est d'atteindre un niveau d'immunité collective de 80 % pour briser le cycle épidémiologique, bien que certaines expériences suggèrent qu'un niveau de 70 % pourrait être suffisant.

Fréquence : Les protocoles recommandent de vacciner pendant deux années successives, puis de vacciner les animaux nouveaux-nés pendant une à deux années supplémentaires. En zone aride/semi-aride (systèmes pastoraux/agro-pastoraux), une seule campagne annuelle (début de saison sèche) suffit ; dans les zones sub-humides/humides, deux campagnes peuvent être nécessaires en raison de l'absence de saison de parturition marquée.

• Chaîne du Froid :Un défi majeur réside dans la faible stabilité thermique du vaccin conventionnel PPR 75/1, qui nécessite une chaîne du froid bien maintenue jusqu'à l'administration. Le manque d'infrastructures de chaîne du froid est souvent une faiblesse dans les régions endémiques.

Délivrance : La logistique de la vaccination doit tenir compte du taux de renouvellement rapide du cheptel et s'appuyer sur des Partenariats Public-Privé (PPP) pour atteindre les éleveurs dans les zones reculées. Des banques de vaccins régionales (OIE) sont mises en place pour assurer la qualité et la disponibilité des doses.

V. Éradication

L'éradication mondialede la PPR d'ici 2030 est un objectif jugé réalisable par la FAO et l'OIE, s'inspirant des leçons tirées de l'éradication réussie de la peste bovine (GREP).

A. Stratégie Mondiale (PPR-GCES)
La Stratégie Mondiale de Contrôle et d'Éradication de la PPR (PPR-GCES) est une approche intégrée en trois composantes :

1. Contrôle et éradication progressive de la PPR.

2. Renforcement des Services Vétérinaires (SV), considérés comme indispensables pour une miseen œuvre réussie et durable.

3. Amélioration du contrôle d'autres grandes maladies des petits ruminants (par exemple, la clavelée, la variole caprine ou la brucellose), permettant des économies d'échelle et un meilleur rendement des investissements.

B. L'Approche par Étapes

La stratégie est mise en œuvre selon une approche progressive basée sur le risque, structurée en quatre stades successifs:

• Stade 1 –Évaluation (1 à 3 ans) : Acquérir une meilleure compréhension épidémiologique de la maladie et de son impact. Seule la surveillance passive et active est effectuée; aucune activité de contrôle officielle n'est prévue.

• Stade 2 – Contrôle (2 à 5 ans) : Mise en œuvre d'une stratégie de contrôle basée sur le risque, principalement par la vaccination ciblée dans des zones endémiques spécifiques. On commence à renforcer la capacité des laboratoires (méthodes biomoléculaires) et la surveillance.

• Stade 3 –Éradication (2 à 5 ans) : Réalisation de l'éradication dans tout le territoire, généralement en étendant la vaccination à l'échelle nationale ou en adoptant des politiques de contrôle plus agressives. L'objectif est l'arrêt de la circulation du virus. Un pays peut demander la validation de son programme de contrôle par l'OIE.

• Stade 4 –Post-Éradication (24 mois et plus) : Accumuler des preuves de l'absence de circulation du virus après la suspension de la vaccination. Le pays est alors prêt à demander à l'OIE la reconnaissance officielle de son statut indemne de PPR.

Références

1. Gibbs, E. P., Taylor, W. P., Lawman, M. J. P., & Bryant, J. (1979). Classification of Peste des Petits Ruminants virus as the fourth member of the genus Morbillivirus. Intervirology, 11, 268-274.

2. Diallo, A., Taylor, W. P., Lefèvre, P. C., & Provost, A. (1989). Atténuation d'une souche de virus de la peste des petits ruminants : candidat pour un vaccin homologue vivant. Revue Élev. Méd. vét. Pays trop., 42(3), 311-319.

3. Njeumi, F., Ferrari, G., Raizman, E., Diallo, A., Domenech, J., Leboucq, N., & Munstermann, S. (2015). Global Strategy for the Control and Eradication of PPR. FAO, Rome, Italy. ISBN: 978-92-5-108733-6.

4. Jones, B. A., Rich, K. M., Mariner, J. C., Anderson, J., Jeggo, M., Thevasagayam, S., Cai, Y., Peters, A. R., & Roeder, P. (2016). The Economic Impact of Eradicating Peste des Petits Ruminants: A Benefit-Cost Analysis. PLoS One, 11(2): e0149982. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0149982.

5. Wamwayi, H. (2023). Eradication de la Peste des petits ruminants (PPR) : résultats et perspectives. Organisation mondiale de la santé animale (OMSA). Thème Technique I, 26/01/2023.